LEANDRE

Les jours disparaissent, les heures s'effacent, les secondes se fanent. Le cœur se dissout, les sentiments se dérobent. La routine, nous anéantit, et le temps se meurt. L'immortalité est une malédiction, le monde, un vampire. Le cerveau peut aussi bien oublier, recracher nos souvenirs, gerber des pans entiers de notre mémoire, les habitudes, elles, ont la vie dure. Éternelles. - La vie n'est qu'un amas d'usages qui nous font vivre.

Un simple quelqu'un d'autre. Une simple étrangeté dont la morsure est plus mortelle que contagieuse. Une simple autre race. Une minorité immortelle dont l'éternité elle-même ne peut arracher une ride, où les cicatrices du temps n'ont jamais pu adhérer. Une monstruosité dont la solitude est comblée par la déchéance. Une inhumanité dans une statue de cire. Un corps trop parfait, des pommettes aiguisées, des cheveux fin, gras, qui tombent en cascades devant des yeux qui trahissent une gourmandise parasitaire. Une boisson défiant la raison humaine. Une boisson de vie. Fascinante et cruelle. Une nourriture absurde. Écarlate, brillante, chaude et réconfortante. Plus enivrante que l'alcool, plus rafraîchissante que l'eau. Tellement vivante. Des crocs artificiels consciencieusement limés, pointus et éclatants. Des griffes peintes de noire, dont le vernis s'écaille au fils des jours. Une cruauté enfantine. Des désirs égoïstes. Solitude, violence, vin et whisky. Une sensation, un fourmillement naissant au creux de votre bas-ventre, liquéfiant vos boyaux, éveillant vos sens. Vampire.

Bien loin du monstre des films d'horreur. Celui dont l'immortalité se fane à la lumière, dont le corps retourne à la terre sous les rayonnements accusateur du soleil. Moins fragile. Plus puissant, mais tristement plus humain. La tête ou le cœur. L'amour est une arme fatale, la folie fait fondre les boyaux du crâne.